Jacques-Etienne Deppierraz

On me dit: « toi, tu es le pasteur de ceux qui ne vont pas à l'Eglise »
La tête haute, le regard droit, le verbe puissant, et tout de suite un sourire et une poigne chaleureuse, Jacques-Etienne Deppierraz nous accueille dans la cuisine de sa cure à Perroy. Lieu plaisant et agréable dans lequel trône un grand manteau de cheminée, vestige d’une autre époque.
Sa pièce préférée, tant elle est synonyme de rencontres, de confidences, de verres partagés et de repas accueillants. Car il aime par-dessus tout se plonger dans l’intensité de la relation, là où les faux-semblants sont déjoués et les vérités se livrent. Tout dévoré qu’il est par la passion de l’autre, à la recherche de l’étincelle ultime de ce Christ qu’il poursuit inlassablement au plus profond de lui comme au plus intime de son interlocuteur. La passion. Le mot est lancé, il devient ritournelle au cours de l’échange. Tant pour évoquer son amour de la musique ou ses périodes d’intense travail théâtral que pour mentionner le hockey qui le ravage ou le tennis qu’il pratique assidûment. On le croirait volontiers capable de se prendre au jeu pour mille autre choses, insatiable et effréné dans sa poursuite. De quoi au juste? Cet élan relève de l’évidence pour lui. Il ne peut en dater l’émergence avec précision, mais il sait que son immersion religieuse est liée à son papa pasteur. Il sait aussi, très tôt, qu’il en sera de même pour lui. Ce cap inflexible guide son gouvernail durant les tempêtes terribles qu’il traverse. 
A l’aube de son dix-huitième anniversaire, son père s’enlève la vie après un long temps d’errance. L’Évangile devient alors pour Jacques-Etienne une espérance plus intense et plus concrète. Il perçoit un chemin. Il y voit l’ouverture, la libération et une humanité plus forte. De celles qui permettent de s’accepter et de jouir de la vie par-delà les absurdités. Loin de remettre en question son projet d’études, il quitte le Lavaux pour s’engager à Lausanne en théologie. Ce parcours sans faute le mène à un premier poste à Château d’Œx. Des années lumineuses de ministère au Pays d’en Haut. Il y plante des racines profondes et marque intensément la vie paroissiale. Il prêche avec ferveur et se fait l’ami des gens. Il aime s’entendre dire qu’il est le pasteur de ceux qui ne vont pas à l’Église. «Je crois beaucoup que c’est Dieu qui croit en nous avant que nous croyions en lui et j’ai toujours eu ce désir de valoriser la personne que je rencontre. J’ai beaucoup visité et rencontré.» On le croit volontiers lorsqu’on traverse la rue à ses côtés. Les salutations pleuvent, les regards complices et profonds se multiplient. Mais il a conscience des limites de l’exercice et n’hésite pas à ajouter: «Je me suis souvent dit que ce n’est pas évident d’être en lien avec les autres, de partager l’indicible. Et lorsque c’est possible, c’est beau.»
Son discours va et vient sans arrêt. De la foi à la vie, de l’Évangile à l’actualité, de ces romans dans lesquels il se perd avec délectation à son émerveillement pour les paroles du Christ. Il cherche en permanence à jeter des ponts entre ces univers si proches et si lointains. Depuis 2011, il a rejoint la paroisse du Cœur de la Côte et il cherche à forger des pistes contemporaines pour renouveler l’Église. Il l’aime son Église, il n’hésite pas à le dire. Mais il a conscience de sa vulnérabilité, de ses raidissements et de ses pannes. Alors il lit des bouquins de management qui lui parlent d’un autre modèle de gestion. D’une horizontalité plus grande. D’une simplification des règlements. D’une facilité avec laquelle on pourrait parler d’amour, sans utiliser des mots galvaudés ou des images d’Épinal. Il cite la Bible en Romains 8, 39 pour souligner ses paroles: «rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu manifesté en Jésus-Christ». Et il ajoute: «Quand on a dit ça on n’a encore rien dit et rien fait, mais… j’y crois.»
Il donne envie d’y croire. Même s’il n’hésite pas à répéter que son but n’est pas de remplir les bancs d’église. Il donne du courage. Il traverse les jours sombres. Il garde son côté excessif et passionné. Et il se souvient qu’il doit tant à son épouse Véronique et à ses enfants Matthieu et Lisa. On pourrait poursuivre la conversation toute la nuit. Et pourquoi pas? Ce n’est pas lui qui s’en plaindrait.
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