Laurence Keshavjee

Avant de devenir pasteure, j'avais beaucoup d'idée reçues sur cette profession. Aujourd'hui, le plaisir que je ressens dans mon métier me confirme que c'est bel et bien ma place.
Une brève hésitation, une salutation réservée, le climat n’est pas encore installé en cette lourde journée d’août sur le porche du Temple de Cully. Mais cette première impression est rapidement balayée par le rire frais et la loquacité de la jeune femme. D’emblée, on la sent volontaire, engagée, très à l’aise lorsqu’il s’agit de parler de sa foi «surtout s’il s’agit de vocation et de donner une belle image de mon Eglise». Elle se décrit comme enthousiaste, positive et tisseuse de liens.
La potion magique de la foi, elle en connaît la saveur depuis toujours. Elle évoque néanmoins avec des frissons sur la peau une expérience fondatrice, quand à l’âge de treize ans elle expérimente durant plusieurs mois une sensation de présence intense qu’elle identifie comme celle de Dieu. L’éducation religieuse s’enracine pour devenir une certitude intérieure, mais aussi une source de questions nouvelles. Le chemin de la théologie lui permet de nouer quelques réponses provisoires, mais surtout de nouvelles interrogations porteuses d’élan. En cours de route, elle choisit le pastorat, non sans surmonter quelques résistances intérieures. «Enfant, je voyais les pasteurs comme des personnes accablées par les sollicitations, sans vie privée et un peu frustrées». 
Tout en contraste, elle se remémore instantanément l’image rayonnante d’un pasteur-boulanger distribuant des tresses à des personnes exclues.La passion pour l’Ecriture sainte et l’envie de partager l’amour de Dieu l’emportent. Des hésitations, des doutes? oui, elle en a connu. Surtout devant l’ampleur de la responsabilité qui lui est confiée. Elle parle même d’abattement, de remise en question. Le découragement lui vient aussi devant l’ampleur des changements de société qui affectent l’Eglise.
La Bible n’est jamais loin dans les pensées de Laurence Keshavjee. Elle se projette alors dans la peau du disciple. Il doute. Il s’enfonce dans les eaux du lac sans parvenir à rejoindre le maître qui marche sur l’eau. Comme lui, elle s’accroche aux paroles rassurantes de Jésus. Elle retrouve son dynamisme pétillant. Sa jeunesse devient un atout pour renouveler l’Eglise. Elle voudrait réaménager les temples et sortir des sentiers battus. Soudain, elle se révèle combattante. Au cours de ses études, elle s’est penchée sur les théologies contextuelles, fruit du travail de militants engagés au nom de la foi chrétienne pour des causes sociales. Son année d’expérience dans les townships sud-africains a laissé des traces durables. La jeune maman enchaîne alors sur ses rêves de faire de la place aux familles et aux enfants.
Au détour de quelques phrases, elle s’anime et laisse entrevoir une nouvelle facette de sa personnalité qui confirme son goût pour l’action et le sport. En vrac, elle cite le roller, la plongée, le vélo, la montagne, la lecture, les jeux de plateau. Sans oublier «les barbecues et les petits apéros entre amis». Avec un fils de deux ans et un mari en formation pastorale, on devine un quotidien bien tassé.
Ses batteries intérieures, elle les recharge dans l’intimité de ces nombreuses formes de spiritualité qu’elle a découvert au cours de ses voyages. Elle se sent aussi bien portée par le chant de Taizé que par la louange façon évangélique, une expérience de contemplation ou la méditation d’une liturgie. Elle rêve d’unité, de respect et d’une grande famille humaine.
Indéniablement, Laurence Keshavjee donne parfois cette impression de planer un peu, aspirée par les thermiques d’une authenticité et d’une spiritualité intense. A l’image du parapente dont elle rêve d’obtenir le brevet, elle glisse dans un ciel qui masque pudiquement les nuages de son jardin intérieur. Mais elle regarde en haut, elle cherche l’horizon et le soleil. Et elle s’éclipse comme elle arrivée, tout doucement, sur la pointe des pieds.
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